Le 10 février 2021
Microfinance : un outil pour une économie plus inclusive
Interview d'Eric Campos, DG, Fondation Grameen Crédit Agricole
Sans doute car elle est un levier très efficace pour lutter contre la pauvreté, la microfinance est un sujet central pour repenser l'économie mondiale. La crise sanitaire et ses effets sur les populations les plus démunies n'ont fait que renforcer ce besoin urgent d'inclusion financière. Coup de projecteur sur un interview de Paperjam Luxembourg à Eric Campos, Délégué général de la Fondation Grameen Crédit Agricole.
Pourquoi la microfinance est-elle un sujet qui vous concerne ?
Aujourd’hui 1.7 milliards de personnes, la majorité en zones rurales, n'ont pas accès au financement et le secteur financier à un rôle clé à jouer pour faire face à ce défi mondial. La Fondation est un des leviers du groupe Crédit Agricole pour favoriser l'inclusion financière et le développement des économies rurales dans les pays émergents. C'est l'ambition que s'est fixée le Crédit Agricole quand il a créé la Fondation il y a 12 ans avec le Pr. Yunus, Prix Nobel de la Paix 2006 : contribuer à la lutte contre la pauvreté par la promotion de la microfinance et de l’entrepreneuriat à impact social partout dans le monde. La Fondation est un acteur engagé dans les pays pauvres au service de la Raison d'Être du Groupe, "Agir chaque jour dans l'intérêt de nos clients et de la société".
Notre mission prend encore plus de sens dans le contexte actuel. La pandémie Covid-19 frappe particulièrement les populations les plus vulnérables et la microfinance est un levier pour renforcer leur résilience face à la crise. Dans ce contexte, nous avons dû adapter nos modes d’intervention et innover. Nous avons mis en place un suivi très régulier auprès des institutions financées pour comprendre les effets de la crise et leurs besoins. Nous avons également mis en place de nombreux reports d’échéances pour permettre à ces institutions d’accompagner elles-mêmes leurs propres clients et accepter, elles-aussi de reporter les échéances des microcrédits. Nous avons également, dès le mois de mars dernier coordonné un mouvement international de bailleurs de fonds, d’investisseurs et d’acteurs de la finance inclusive pour nous engager à prévenir une crise de liquidité dans le secteur et apporter des réponses coordonnées pour faire face aux effets économiques de la crise.
Pouvez-vous nous présenter la Fondation Grameen Crédit Agricole et ses objectifs ?
La Fondation est un opérateur multi-métiers : investisseur, prêteur, coordinateur d'assistance technique et conseiller de fonds, la Fondation finance et accompagne les institutions de microfinance, les entreprises et les projets qui promeuvent une finance inclusive et le développement des économies rurales partout dans le monde.
La Fondation accompagne et soutient aujourd’hui 86 partenaires (74 institutions de microfinance et 12 entreprises à impact social) dans 40 pays avec près de 100 millions d'euros d’encours suivis. La Fondation cherche à favoriser l’émancipation des femmes par l’économie, 88% des bénéficiaires finaux sont des femmes, et cible en priorité les populations rurales : des 7,3 millions de clients d’institutions que la Fondation finance, 84% habitent en zones rurales.
Comment la Fondation travaille aujourd’hui avec le groupe CA ?
La Fondation a mis en place plusieurs partenariats avec les Caisses régionales et les entités du Crédit Agricole. Nous avons établi des schémas de coopération avec la Banque de Proximité à l'international (BPI) en Roumanie, en Egypte, en Inde et au Maroc qui permet aux entités du Groupe de financer des institutions de microfinance en monnaie locale avec la garantie de la Fondation. Nous avons lancé avec CA Indosuez Wealth (Asset Management) et CACEIS Bank Luxembourg Branch, le fonds Finance Inclusive en milieu Rural, le premier fonds en microfinance du Crédit Agricole auquel ont déjà souscrit 21 Caisses régionales, Crédit Agricole Assurance et Amundi. Enfin, avec Crédit Agricole SA, nous avons mis en place depuis juin 2018 « Banquiers Solidaires », un dispositif de volontariat de compétences permettant de proposer des missions d’assistance technique à des collaborateurs du Groupe pour le compte des organisations financées par la Fondation.
Par ailleurs, face à la crise Covid-19, la Fondation a travaillé avec Crédit Agricole SA, Crédit Agricole CIB, Crédit Agricole Wealth (Asset Management) et d'autres acteurs clés de la finance inclusive autour d’un Engagement commun pour protéger les institutions de microfinance et leurs clients. L’engagement, qui compte aujourd’hui 30 signataires, repose sur un ensemble de principes destinés à protéger le secteur de la microfinance et leurs clients des effets économiques liés à la crise sanitaire. Grace à cette action coordonnée, les défauts de liquidité ont pu être évités et nous avons accompagné les organisations partenaires avec des missions d'assistance technique.
Quels thèmes seront abordés dans les années à venir au sein de la Fondation ?
Changement climatique, croissance démographique, sécurité alimentaire, transformation digitale... nombreux sont les défis au centre de nos préoccupations. Il est urgent d’agir, d’innover avec de nouveaux moyens d’action, de renforcer les coopérations. Cette conviction est au cœur des actions de la Fondation et de son plan stratégique 2019-2022 et ses objectifs : consolider la pérennité des organisations qui apportent des services essentiels avec des financements adaptés et de l’assistance technique ; renforcer la résilience des économies rurales en soutenant des entreprises à impact social ; et promouvoir la finance inclusive au sein du secteur bancaire avec notamment les partenariats mis en place avec le groupe Crédit Agricole.
Face à la crise Covid-19, la Fondation continuera à appuyer, aux côtés de ses partenaires institutionnels, privés et solidaires, les institutions de microfinance et les entreprises sociales avec des financements et une assistance technique ciblés pour renforcer leur résilience dans cette crise sans précédent. Nous continuerons à suivre les effets de la crise sanitaire et à agir pour renforcer la résilience de la microfinance et de l’entrepreneuriat à impact, en concertation avec les autres parties prenantes.