Par Fondation Grameen Crédit Agricole Le 15 avril 2020

Le secteur de la microfinance s’organise face aux effets de la crise sanitaire

Le virus COVID-19 continue de s’étendre à travers le monde avec plus de 450 000 cas confirmés au 26 mars 2020. Les gouvernements, même ceux qui s’en défendent, engagent des mesures d’endiguement de l’épidémie de plus en plus strictes. Alors que la situation évolue plus rapidement chaque jour, les acteurs de la microfinance se préparent à affronter cette crise en prenant des premières dispositions salutaires.

A la suite de son enquête lancée il y a deux semaines, la Fondation Grameen Crédit Agricole a créé un observatoire pour actualiser en permanence les informations recueillies au travers d’échanges quotidiens avec ses Institutions de microfinance (IMF) partenaires. L’objectif est de mieux comprendre comment les accompagner mais aussi de partager ses analyses avec les autres acteurs financiers du secteur de la Finance inclusive et de l’aide au développement.

Les IMF ont très vite perçu l’enjeu sanitaire de la crise. Elles ont immédiatement cherché à ajuster leurs modalités de fonctionnement aux risques de contaminations en adoptant les gestes barrières recommandés et lancé des campagnes de sensibilisation auprès des clients et des employés.

"Le lavage des mains est obligatoire dans toutes les agences, avec la mise à disposition de seaux et de savon pour toutes les personnes entrant dans les bureaux. Des désinfectants pour les mains sont fournis sur le comptoir pour tous les clients qui font des transactions avec les caissiers. [...] Le processus d'acquisition de masques de protection pour les caissiers est en cours. Il est fortement conseillé à tous les membres du personnel qui ressentent des symptômes de rester chez eux pendant le suivi. Nous avons fortement recommandé à tout le personnel d'éviter de se rendre dans les branches compte tenu de l'évolution de la situation, sauf si cela est absolument nécessaire". - Partenaire en Sierra Leone

Les IMF ont également dû s’adapter aux décisions prises par les autorités locales pour freiner la propagation du virus. Les organisations dans les zones les plus risquées se sont ainsi vu contraintes de cesser partiellement ou complètement leurs opérations et de fermer certaines de leurs agences de proximité.

"Toutes les opérations seront fermées à partir de 12h00, le 26 mars 2020, conformément à l'annonce faite par le Président le lundi 23 mars et afin de permettre au personnel de rentrer chez lui pour la période de confinement. [...] Les décaissements destinés aux clients ont été reportés à la fin de la période de confinement". - Partenaire en Afrique du Sud

Le télétravail ou les systèmes de rotation des effectifs ont été rapidement mis en place chez une très grande majorité de nos partenaires. Face aux nombreuses interdictions de regroupements, les institutions travaillent désormais avec un représentant des groupes solidaires de crédit et restent en contact avec leurs clients par le biais de services de messagerie instantanée.

Les solutions digitales sont particulièrement adaptées à ce contexte. Elles permettent la poursuite des activités de décaissement des microcrédits et de recouvrement à distance. Dans une laiterie du Sénégal, par exemple, le paiement de la collecte de lait aux éleveurs n’a pas connu de perturbation car elle se fait depuis quelques semaines via un dispositif de paiement par téléphonie mobile.

"Nous encourageons par SMS nos clients à utiliser les plateformes de paiement mobile pour les remboursements car il s'agit du mode le plus sûr à l'heure actuelle". - Partenaire en Ouganda

Si les IMF ont su faire preuve d’adaptation rapide quant à leurs modalités de fonctionnement, le temps est également à la préparation face au ralentissement économique qui se profile. Les réunions de crise se multiplient dans les sièges sociaux, ou via des visio-conférences depuis les domiciles des responsables, afin de mettre en place des plans de continuité.

Un nombre croissant de pays instaure de nouvelles régulations relatives au crédit pour amortir le choc économique et le probable risque d’insolvabilité des clientèles en situation de fragilité. Les régulateurs incitent notamment les institutions financières à accorder des reports de paiement à leurs clients affectés par la crise, ainsi qu’à restructurer les prêts. De telles décisions commencent déjà à être mises en pratique.

" Le gouvernement met également en œuvre des mesures pour aider les entreprises locales, comme la réduction des taux d'intérêt. Par exemple, le taux d'emprunt pour les prêts garantis est abaissé de 1%" - Partenaire au Myanmar

"La Banque Centrale du Kirghizistan a pris les mesures de soutien suivantes  : 1) annuler l'accumulation des pénalités pour tous les emprunteurs ; 2) revoir les conditions de remboursement des prêts et prévoir un retard de paiement d'au moins 3 mois lorsque les emprunteurs en font la demande ; 3) lors de la restructuration de prêts liés à des changements dans les flux de trésorerie des emprunteurs dus au coronavirus, les institutions ne doivent pas considérer qu’il s’agit de créances douteuses si la cause en est la crise sanitaire" - Partenaire au Kirghizstan

"La Banque centrale a annoncé que les institutions financières doivent accepter toutes les demandes de report de remboursement jusqu'au 30 avril". - Partenaire au Kosovo

Le secteur de la microfinance montre un haut degré de responsabilité et de maturité pour faire face à cette crise mondiale. Les institutions partenaires de la Fondation Grameen Crédit Agricole produisent des situations financières régulières et des analyses prévisionnelles sur leurs besoins de financement dans les mois qui viennent. Bien que nous n’ayons pas encore observé d’augmentation particulière, l’évolution des niveaux de portefeuille à risque (PAR) fait l’objet systématique d’un très haut degré de vigilance. De nombreux échanges entre prêteurs, organisations non gouvernementales spécialisées et institutions de microfinance sont désormais quotidiennement organisés.

La Fondation Grameen Crédit Agricole est au contact régulier de ses partenaires et confrères dans un effort réciproque de mise en commun des idées et des ressources. Nous partageons avec nos partenaires, avec les acteurs de l’investissement responsable et avec nos pairs nos analyses et les bonnes pratiques mises en place par les institutions de microfinance.

La mise en commun des informations disponibles, des analyses et des anticipations, puis la mise en œuvre concertée des décisions partagées sont des principes aujourd’hui vitaux pour notre secteur. Au prix de cette transparence, de cette concertation et d’une nécessaire adaptation de nos principes d’intervention, nous devrions pouvoir être en mesure de surmonter les effets de cette crise sanitaire exceptionnelle qui risque d’emporter avec elle de nombreuses institutions de microfinance, laissant les populations fragiles dans des situations désespérées. Car nous savons que la crise frappera en tout premier lieu les populations les plus démunies. Durement. Sachons être ensemble à la hauteur de ce défi humanitaire.

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