Par Habitat et Humanisme Le 1er février 2021

« Jamais je n’aurais pensé vivre ça », interview de Kevin, résident chez Habitat et Humanisme

Kevin a 32 ans, jeune actif, il est résident chez Habitat et Humanisme Ile-de-France au sein de la maison intergénérationnelle Chabrol, qui accueille des personnes d’âges et de situations variées, tous à faibles ressources, en plein cœur de Paris. Il nous livre un bout de son quotidien et des moments de vie qu’il y crée…

 

Depuis combien de temps habites-tu dans une maison intergénérationnelle ?

Cela fait trois ans et demi que je suis ici et je trouve le concept des maisons intergénérationnelles génial. Au début mes proches étaient sceptiques, c’est vrai que l’on entend pas trop parler de ce type de concept, c’est tellement novateur.

Peux-tu nous décrire un peu ce lieu ?

Chacun a son appartement dans l’appartement. Ma chambre doit faire 25m2 sur 200m2 environ au total, que l’on se partage à plusieurs. Ce qui fonctionne bien c’est que l’on a notre propre salle de bain, toilette et chambre. Après, on partage la cuisine. C’est le lieu de vie où on se réunit tous. D’autres logements, ici, ont tout dans leur appartement. Ils on a un lieu commun avec la buanderie qu’ils peuvent aussi partager s’ils le veulent. L’intergénérationnel c’est quatre générations, même cinq avec les enfants, avec une mère célibataire et ses deux enfants, une jeune étudiante, un jeune actif et une personne âgée.

Chacun apporte aux autres et est dans une démarche de partage. C’est comme une coloc, on essaie de briser la glace dès le début, pour que tout le monde puisse se sentir chez soi. On fait un repas et c’est parti. Rapidement, on devient comme une famille, je les vois plus que ma propre famille. Dès que tout le monde est là, les anciens racontent leurs histoires. Et je me dis que j’ai tellement à apprendre d’eux. Gerard par exemple, c’est un globetrotteur des années folles, qui a ensuite été professeur d’anglais. Alors ici, il donne parfois des cours d’anglais aux jeunes qui en sont friands. Chacun apporte et partage son petit savoir-faire. Là-bas au-dessus, il y a Carl qui est champion de Paris de Karaté. Pendant le confinement il a donné des cours de karaté dans la cours, c’était incroyable.

Quel est l’un de tes souvenirs les plus forts ?

Un de mes souvenirs récents qui me donne encore des émotions quand j’en parle, c’est le mariage. Un couple devait se marier et à cause du confinement ça a été compliqué, beaucoup de pressions et de travail à ce moment-là. Alors on leur a dit, « On vous organise votre mariage », avec tous ceux qui voulaient participer. Puisqu’on était confiné ensemble, on pouvait se retrouver. On a fait une fête improbable, à danser jusqu’au bout de la nuit, à faire des paquitos improvisés. Gérard qui a 80 ans nous a dit « Allez, j’y vais aussi », il a fait un paquito et a rajouté « Je le fais pour vous les jeunes, parce que vous m’acceptez dans votre groupe ». On lui a dit évidemment, tu fais partie du groupe. On a tous bien ri. Pour eux c’est des moments de vie, comme pour nous. Jamais je n’aurais pensé vivre ça. On avait mis des ballons en décoration, fait une pièce montée. Chacun avait mis la main à la pâte, ils étaient très touchés. Ça laisse des souvenirs mémorables.

 

Qu’est-ce que tout cela t’apporte ?

Ce sont des moments simples que l’on vit ici. Parfois, tu rentres, après une longue journée de travail, et tu as besoin de ça, il y a quelqu’un dans la cuisine qui est là. Alors on discute et tout va tout de suite mieux.

On se connaît tous, tout le monde joue le jeu. Certains sont un peu moins présents selon les situations. Chaque résident qui est partie de la maison revient avec plaisir, et on est heureux de les revoir et de repasser des moments ensemble.

Combien de temps est-ce que tu vas rester ici ?

En dehors des personnes âgées qui peuvent rester autant qu’elles le veulent, chacun reste ici le temps de trouver un appartement, ça reste un tremplin. Donc on reste à près deux ans, renouvelable un an. Il y a peu près six foyers ici. Mais le temps est nécessaire, il faut du temps pour tisser des liens. Je n’ai pas été aussi proche d’Annick la première année. Il faut du temps pour arriver à créer une amitié.

C’est un endroit très précieux, où on tisse des liens comme jamais.

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